Un fromage protégé par les droits d'auteur ?
Ces jours-ci, la Cour de Justice Européenne a été interpellé par un fabricant de fromage pour réfléchir sur la protection des créations de fromages par les droits de propriété intellectuelle
Suite à la demande de l'entreprise Heks'nkaas, la Cour de Justice de l'Union Européenne s'interroge sur le cadre et la possibilité de la protection de création de fromages par les droits d'auteur, serait concevable. La question est de savoir si un produit alimentaire peut être protégé au même titre que des œuvres littéraires, des peintures ou des musiques.
La difficulté est de pouvoir assimiler un droit d'auteur à une saveur, car cela reste très subjectif et difficile à contrôler et à mettre en application. En effet, si la CJUE décide d'appliquer les droits d'auteur, il faudra ensuite définir les mesures de contrôle et d'évaluation pour éviter toute copie de fromages. A partir de cette décision, de nouvelles professions pourraient apparaître comme par exemple, un dégustateur de plagiat de saveurs. Actuellement, il faut reconnaître que la législation actuelle ne pose pas de cadre précis pour la protection des droits d'auteur de produits alimentaires mais plutôt l'UE a préféré travailler sur la définition de labels de qualité.
Une protection généralisée des produits alimentaires par les droits d'auteur serait-elle envisageable ?
Pour faire avancer la législation, il faut avant tout savoir que dans la plupart des pays membres, sont seulement protégées les créations littéraires, artistiques ou scientifiques originales déterminées par une liste. Cependant, cette liste ne précise pas que ce qui n'est pas inclus dans cette protection. Cette lacune laisse la possibilité de prévoir une protection pour des produits disposant d'une recette et une préparation unique.
Si une telle protection était accordée, cela pourrait conduire à un barrage de tentatives d'enregistrement de droits d'auteur sur d'autres produits alimentaires et pas seulement les fromages, comme, par exemple, des boissons gazeuses qui ne pourraient plus être copiées. Toutefois cette décision aurait également un impact sur les prix car tout comme les oeuvres artistiques inclut les frais de droits d'auteur, les produits alimentaires concernés pourraient augmenter leur tarif. La question se pose sur la nécessité d'une protection des produits par les droits d'auteur en plus de labels déjà existants dans certains pays membres.
Les AOC et AOP déjà étudiées par la Commission Européenne
Par ailleurs, il faut noter que la Commission Européenne a déjà légiféré sur un sujet similaire à la demande de deux pays membres : la France et la Suisse particulièrement sur les Appellations d'Origines Contrôlées et Protégées ainsi que sur les Indications Géographiques Protégées. Ces appellations ont permis de reconnaître la provenance des produits comme les fromages pour différencier ceux suisses et ceux français.
En effet, la Commission Européenne a annoncé dans sa directive l'obligation de spécifier la dénomination géographique protégée pour ces produits afin de pouvoir les distinguer et reconnaître la fabrication.
Au fil des années, l'UE a réglementé la circulation des produits alimentaires afin de prendre en compte l'ensemble des enjeux de la circulation des produits alimentaires à la fois pour la santé, les intérêts des consommateurs mais aussi pour la reconnaissance des produits locaux. Pour cela on peut désormais connaître plus facilement la provenance, la composition, etc. L'UE a ensuite choisi de protéger et promouvoir les produits locaux et traditionnels grâce à la mise en place de labels de qualité : les AOP, les IGP ainsi que les garanties de spécialité traditionnelle.
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